• La Défense. Ca brille tristement, c'est haut et c'est laid, surtout.
    Du gris et du vert. De l'acier et du verre. Triomphe du Progrès.
    Une zone industrielle.

    Des costards noir qui avancent. Remplis par des choses qu'on appelle encore "Humains". Tu parles. Ce qui reste d'humain là-dedans, c'est l'anus, la bite et les yeux. Ca continue à regarder, à bander et à chier, mais à part ça c'est mort. C'est la Mort. Ce sont tous des morts qui avancent encore, aussi laids que leurs vies, aussi vides que leurs portefeuilles sont pleins, aussi sombres que leurs cravates, aussi lisses que les tours où ils travaillent.

    Ils sont morts. Mêmes les plus beaux d'entre eux ont quelque chose de laid au coin de la bouche, en haut du front, à la limite des yeux. Ils avancent. Ils sont pressés. Ils lèchent le cul du supérieur parce qu'ils n'aspirent qu'à lui ressembler, à le remplacer. Compétition. Le mot sacré.

    Pas seulement. En réalité, ils n'existent pas. Ils n'existent que dans l'oppression qu'ils opèrent sur le "petit peuple". Le personnel. Ils n'existent que dans l'oppression tout court, en fait.
    Ils ont des femmes de ménage, voire des domestiques pour les mieux placés. Au bureau, mais aussi chez eux. Parfois, ils s'agit de leur femme. Ou de leur mari. Ou d'une personne inconnue qu'ils méprisent avec complaisance, qui est invisible humainement pour eux et qui n'en a rien à foutre de leur nettoyer leur maison, mais qui le fait pour les miettes qu'ils daigneront lui laisser. Pourtant, c'est elle qui les nettoie, les miettes.
    Ils ne nettoient pas leur bureau, ils ne font pas leur bouffe, ils ne fabriquent pas ce qu'ils vendent, ils ne produisent rien, tout ce qu'ils possèdent vient de la production de ceux qu'ils méprisent. Ils ne vivent que pour le fric. Et puis aussi un peu, pour en jouir. Pour leur petite femme et leurs potes, assistés eux aussi. Et après les libéraux de droite crachent sur "l'assistanat" !

    Je ne vous apprend rien.

    Ils sont déjà morts.
    Bronzés, temps grisonnantes, têtes de supermarché. Consomme.
    Ils ne voient pas le problème ! Après tout, ils ne sont pas rentier, "eux aussi" ils bossent.
    "Sans eux, les produits ne seraient pas vendus, donc bon, hein, tous ces ouvriers devraient leur être reconnaissants".
    Après tout, ils les laissent leur rénover leurs baraques, leurs construire des bagnoles et des piscines. Comme ils sont généreux.
    Sans eux, putain, qu'est-ce qu'ils feraient, tous ces sales prolos ?

    Et bien ils seraient libres.
    Libres comme des hommes et des femmes.


    Qu'on reprenne à César ce qui est à nous.


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  • Du verre. Du verre, du verre et encore du verre.

    Le Progrès défiant la Nature sauvage. Allégorie de la bite dressée ?
    L'intérêt de ces tours transparentes en apparence, mais abritant des choses bien moins transparente, est qu'au moins, c'est aussi moche qu'un HLM. Comme quoi.
    Ce paradis. Il n'existe pas. Il n'y a rien à voir du haut de leurs monuments à la gloire du Capital. Un monument au Mort, quoi.

    8:00. La masse noire arrive. Décervelé. Ca rentre, ça sort. Une grosse bite qui éjacule. Noir.
    Des costards, des costards. Des cravates. Un cimetière qui grouille.
    Sur la carte, ils indiquent que pas loin, il y a le cimetière de Neuilly. Mensonges. Le cimetière de la classe dirigeante, il n'est pas là, il est à la Défense. Les aristocrates pleins de cokes, ils sont peut-être enterrés à Neuilly, mais les réels enterrés vivants, ils sont à la Défense. Leurs valets travaillent pas loin, ça doit être rassurant pour les haut-bourgeois d'avoir une vue sur les tours où les costards s'échinent. Histoire de ne pas oublier le monde qu'ils ont créé. Tant de beauté dans ces tours et ces tunnels, ces parkings et ces bureaux. C'en est insoutenable.

    10:00. On voit des costards remplis de chair humaine.
    Il y a les costards des vigiles, les costards des valets qui jouent aux puissants, et les costards des dirigeants.
    La mort, elle est là. Je la sens.

    Argent virtuel, compétition, hiérarchie ma mie ! La Défense de quoi au juste ?
    La défense. Comme celle des éléphants que les ancètres des cadres coupaient en Afrique pour le métal sacré, et dont aujourd'hui, ils ont fait leurs tours d'ivoire.
    La défense. Défense de faire du bruit. Un cimetière d'acier, sans bruit. Silence on tue, silence on assassine. On charcute des loques déshumanisées et le responsable n'est pas là. Le responsable n'existe pas. Les costards se sont eux-mêmes coupé la tête. Des névrosés qui se frappent à longueur de journée, et qui aiment. Ils se flagellent, se coupent la gorge devant des écrans que leurs yeux fixent. L'élite de l'Humanité.

    Bronzés, tempes grissonantes ou coupe au carré avec permanente. Magasins pour commerciaux. Moquette et baies vitrées. Un monde à part.
    Un monde de loques. Déshumanisés aux commandes d'une société qui s'affaisse. Des assistés.
    Désaxés. Il y a du personnel à l'entrée, du personnel qui nettoie, du personnel qui fabrique ce qu'on vend ensuite. Du personnel vulgaire et méprisé. Du personnel. Des esclaves au services de valets.
    Où sont les maîtres ?
    Aujourd'hui, les maîtres se cachent derrière l'anonymat des multinationales. Le monde est leur parcours de golf.
    Où êtes-vous ? Où êtes vous, dirigeants d'une société pourrie ?

    Je n'en peux plus. Je ne les vois pas mais je trimerais toute ma vie pour eux. J'ai déjà vu la "maison" (le chateau) de l'un d'entre eux, on me l'a montré, on me l'a décrit avec jalousie, mais il n'existe pas. Il n'y avait personne dans le "jardin" (le parc), personne à l'entrée, personne dans la voiture. Il n'y a personne ! Une cage dorée mais l'oiseau y est mort, il ne reste que les plumes qui tombent en tournoyant, les pattes qui serrent toujours le magnifiques barreau, le bec qui mange les graines, mais jamais la conscience ne renaîtra !

    Amour ! Espoir s'il s'agissait de phoenix ! Je les imagine brûlant, mourant, renaissant de leurs cendres et détruisant leur cage, déployant leurs ailes atrophiées et lâchant enfin ceux qui avaient été assez stupides pour aller se nichez dans leurs pattes décharnées !

    Désespoir.

    Ce ne sont que des moineaux qui jouent à l'Aigle. Qui volent de tour en tour et de meurtre en meurtre. Ah, ce sont nos vies qu'ils volent.

    La Défense. La Défense des Privilèges.
    Un libéralisme incroyablement décomplexé mais qui se cache. Une classe dirigeante qui tue, mais qui répugne à regarder ses victimes.
    Autrefois l'usinier avait la décence de vivre au milieu de ceux qu'il opprimait.
    Aujourd'hui l'industriel travaille dans son immense bureau de la Défense, et ne passe dans ses usines que très rarement, et en évitant soigneusement les salariés. Toujours à râler, ceux-là. On les nourrit, on les loge, on les embauche, on leur refile des miettes, on bouffe sur leur dos et ça lutte contre nous.
     
    La Défense est un monde illusoire. Il n'existe pas. Ou plutôt, sans le "petit peuple" qui vit loin d'Elle, elle n'existe pas. Le Capital entier n'existe pas. Aucun cadre, aucun patron n'existe sans ses esclaves. Ni ses dividendes, ni ses stock-options, ni ses bénéfices, ni ses bureaux, ni ses produits, ni rien.
    Ce monde est un cimetière peuplé de créatures de tissus qui n'existent pas. Mais qui dirigent.

    Leurs privilèges ne leurs servent qu'à acheter des boîtes plus grandes, des boîtes qui roulent plus vite, des boîtes qui volent plus haut. Ils sont déjà morts.

    La Défense.
    La Défonce, oui.


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  • Réponse à Eadgydh.

    Dynamite dans le soir lointain. Explosif dans la presse à merdes. Bombe dans le magasin de jouets.
    Quelle bombe ?
    Celle qui, en roulant du cul, se fait prendre en photo pour couvertures de magazine retouchées à Photoshop ? Celle composée de mots, qui tombe dans la mare de boues des articles de journaux quotidiens, et qui par son explosion de sens éclabousse les mornes nouvelles apportées par le journal ?
    Ou celle de Ravachol, nytroglycérine qui par son action, révèle à la bourgeoisie que les opprimés ne sont plus dupes, bombe éphèmère et non aboutie qui fut la cause de la mort de cet anarchiste, et non la cause de la mort de l'Oppression...
    Bombe du désespoir qui se sait, seule, inutile, mais qui explose quand même, par révolte et par refus ?
    Bombe des Justes, tuant le Grand Duc, bombe à lancer sur les puissants, pour tuer le despotisme. Bombe révolutionnaire, bombe du refus, bombe qui crache à la gueule du bourgeois : A la violence diffuse de l'oppression de classe, nous opposons la violence immédiate de nos bombes.
    Quelle bombe, aujourd'hui ? Celle d'Emile Henry qui venge Ravachol et Vaillant en tuant des bourgeois au hasard ?
    Quelle bombe ? La bombe H qui extermine des milliers de personnes pour une poignée d'élites (du moins dans son statut) qui elle, jamais ne sera tuée ? Guerre...
    Quelle bombe ? Celle qui n'a jamais explosé et qui dans un an, peut décimer la France en un seul clic, en un seul boum? Qui fera tant de mort que l'horreur en disparaît pour laisser place à une statistique, un chiffre irréel et absurde de morts virtuels...Et pourtant bien réels.
    Quelle bombe ? Celle de demain qui réduira la Terre en cendre ? Celles dont les écologistes bien pensants rejettent l'existence, se font voir dans des spectacles de "contestation" éphèmère, et au lieu de lutter contre le Monde qui la produit, publient des inutiles critiques au vitriol ?
    Nous serons tous foutus dans du formol.
    Moi, je regrette amèrement Ravachol.


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  • Pâle habitude du métro parisien, vague mouvement monotone du wagon qui ne va nulle part. Un enfant, son père. Différents. Différents parce que sans argent, sans toit. Comme beaucoup de gens dans le monde. Qui s'en accomode très bien. Pas en France. En France, quand on n'a pas d'argent, on est différent...et on n'a droit à rien. Même pas la bouffe. Oh ! Il y en a assez pour tout le monde, ce n'est pas le problème. Oui. Le problème c'est qu'il faut payer. Même quand n'a pas d'argent, il faut payer. Si, si. 'Veut pas l'savoir. L'enfant et son père distribuent des cartes, toujours identiques, roses, avec toujours le même texte. Ils donnent du "Monsieur", "Madame" à des gens qui ne les regardent même pas.
    Un jeune enlève son sac, donne une tablette de chocolat. Ce même jeune qui était assis à côté de moi pendant l'examen pour entrer en bac professionel aux Gobelins. Ce même jeune qui avait attiré mon attention deux heures auparavant. Voilà. Il est seul à faire ça.
    Moi. Moi je dis à l'enfant "Je n'ai rien, désolé". Facile. Facile surtout que deux minutes après je me rappelle : j'ai une pomme dans mon sac. Ah. Merde. Je n'en n'ai pas besoin, moi. Eux, si. Je m'emballe, j'hésite ; ils sont à l'avant du wagon, je peux y aller. Oui, mais je n'ose pas : j'ai déjà dit "Non, j'ai rien, désolé". Comme tous les autres. Qu'est-ce qu'ils vont penser ? Qu'au départ je voulais pas leur donner la pomme ? Absurde questionnement. Ils ont faim, j'ai de la nourriture dont je n'ai pas réellement besoin. Trop tard. Ils se sont noyés dans la foule, la foule qui a les oreilles bouchées par des écouteurs, les yeux baissés sur des portables, la bouche crispée, les membres raides et le coeur mort.
    La conscience...Vous l'avez foutue où, votre conscience ? Hein ? Pour devenir adulte, il faut la faire taire, sa conscience, parce que sinon on en crève ? Les sens coupés de la vie, assis dans vos métros qui vont à fond la caisse. Où ? On n'en sait rien. Vers le succès sans doute, la réussite, le travail, le fric. La mort, quoi.
    Une femme. Plus tard une femme qui demande à chacun "Bonjour madame, bonjour monsieur, une petite pièce ou un ticket restaurant s'il vous plait. Bonjour madame, bonjours monsieur, une petite pièce ou un ticket restaurant s'il vous plait. Bonjour madame...".
    Devant moi il y a un homme, grand, assez vieux, peau noire, costard cravate, valise. Il a un casque sur les oreilles, il dort. A côté de lui, sur le strapontin, il y a un jeune, gras, pompes de skate et parka. Il a un casque sur les oreilles, lui aussi. Il regarde devant lui, mais il ne voit rien. Elle répète son texte, deux fois, les yeux vides, ou même plus que vides ; les yeux du désespoir si profond qu'on n'en revient jamais. Le désespoir, parce qu'ils n'entendent même pas. Le gros skateur regarde devant lui, il n'entend pas, il ne voit rien. Elle n'existe pas. Elle se tourne. Elle n'écoute même plus ce que les gens répondent, puisqu'ils n'écoutent pas non plus. Elle répète son texte, quelle que soit la réaction. Les gens ont beau dire "Non, désolé" en secouant la tête d'un air faussement triste, ils n'échapperont pas cette fois à la répétition mécanique.
    "Bonjour madame, bonjour monsieur..."
    Une autre femme. Elle chante. Personne n'écoute.
    Je tourne. Je tourne et je ne fais plus de regard faussement triste de petit bourgeois compatissant. Non. Je tourne mentalement, car physiquement je reste assis. Impuissance.
    Je refuse. Non. Jamais plus je n'oublierais de donner ma pomme, mon sandwich ou mon bout de pain. Ce n'est pas une action de faire cette charité, c'est une non-action. Je déteste les gens qui s'y adonnent comme à un sport, une activité ou un passe-temps. Non. Moi, c'est simplement que si j'ai de la bouffe, je la donne quand je croise quelqu'un qui en a besoin. Un enfant au ventre creux dont les yeux brillent en voyant une plaquette de chocolat Max Haavelar. Un mot me vient : "Enculé". Non pas que je pense particulièrement que Haavelar est homosexuel, mais simplement parce qu'il est inutile...et dangereux.
    Je ne crois pas en la charité. L'enfant mangera le chocolat, et demain il aura faim.
    Oui. Sauf qu'il ne mangera pas ma pomme.
    Je refuse. J'ai mal à la tête parce que je le savais, putain, que les gens s'en foutaient, que le monde était laid, que Paris est laid dans ses sous-sols, dans ses rues, dans ses boulevards et même dans ses appartements de luxe. Il est laid parce qu'il est misérable, il est laid parce qu'il permet ce genre de choses. Mais tu le savais, putain. Pourquoi ça te touche à chaque fois comme le premier jour où tu as vu ça ?
    Parce que. Parce que mon coeur est encore là. Pour combien de temps encore, je ne sais pas. Aujourd'hui, j'ai la rage. Et demain ?


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