• Réponse à Eadgydh.

    Dynamite dans le soir lointain. Explosif dans la presse à merdes. Bombe dans le magasin de jouets.
    Quelle bombe ?
    Celle qui, en roulant du cul, se fait prendre en photo pour couvertures de magazine retouchées à Photoshop ? Celle composée de mots, qui tombe dans la mare de boues des articles de journaux quotidiens, et qui par son explosion de sens éclabousse les mornes nouvelles apportées par le journal ?
    Ou celle de Ravachol, nytroglycérine qui par son action, révèle à la bourgeoisie que les opprimés ne sont plus dupes, bombe éphèmère et non aboutie qui fut la cause de la mort de cet anarchiste, et non la cause de la mort de l'Oppression...
    Bombe du désespoir qui se sait, seule, inutile, mais qui explose quand même, par révolte et par refus ?
    Bombe des Justes, tuant le Grand Duc, bombe à lancer sur les puissants, pour tuer le despotisme. Bombe révolutionnaire, bombe du refus, bombe qui crache à la gueule du bourgeois : A la violence diffuse de l'oppression de classe, nous opposons la violence immédiate de nos bombes.
    Quelle bombe, aujourd'hui ? Celle d'Emile Henry qui venge Ravachol et Vaillant en tuant des bourgeois au hasard ?
    Quelle bombe ? La bombe H qui extermine des milliers de personnes pour une poignée d'élites (du moins dans son statut) qui elle, jamais ne sera tuée ? Guerre...
    Quelle bombe ? Celle qui n'a jamais explosé et qui dans un an, peut décimer la France en un seul clic, en un seul boum? Qui fera tant de mort que l'horreur en disparaît pour laisser place à une statistique, un chiffre irréel et absurde de morts virtuels...Et pourtant bien réels.
    Quelle bombe ? Celle de demain qui réduira la Terre en cendre ? Celles dont les écologistes bien pensants rejettent l'existence, se font voir dans des spectacles de "contestation" éphèmère, et au lieu de lutter contre le Monde qui la produit, publient des inutiles critiques au vitriol ?
    Nous serons tous foutus dans du formol.
    Moi, je regrette amèrement Ravachol.


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  • Pâle habitude du métro parisien, vague mouvement monotone du wagon qui ne va nulle part. Un enfant, son père. Différents. Différents parce que sans argent, sans toit. Comme beaucoup de gens dans le monde. Qui s'en accomode très bien. Pas en France. En France, quand on n'a pas d'argent, on est différent...et on n'a droit à rien. Même pas la bouffe. Oh ! Il y en a assez pour tout le monde, ce n'est pas le problème. Oui. Le problème c'est qu'il faut payer. Même quand n'a pas d'argent, il faut payer. Si, si. 'Veut pas l'savoir. L'enfant et son père distribuent des cartes, toujours identiques, roses, avec toujours le même texte. Ils donnent du "Monsieur", "Madame" à des gens qui ne les regardent même pas.
    Un jeune enlève son sac, donne une tablette de chocolat. Ce même jeune qui était assis à côté de moi pendant l'examen pour entrer en bac professionel aux Gobelins. Ce même jeune qui avait attiré mon attention deux heures auparavant. Voilà. Il est seul à faire ça.
    Moi. Moi je dis à l'enfant "Je n'ai rien, désolé". Facile. Facile surtout que deux minutes après je me rappelle : j'ai une pomme dans mon sac. Ah. Merde. Je n'en n'ai pas besoin, moi. Eux, si. Je m'emballe, j'hésite ; ils sont à l'avant du wagon, je peux y aller. Oui, mais je n'ose pas : j'ai déjà dit "Non, j'ai rien, désolé". Comme tous les autres. Qu'est-ce qu'ils vont penser ? Qu'au départ je voulais pas leur donner la pomme ? Absurde questionnement. Ils ont faim, j'ai de la nourriture dont je n'ai pas réellement besoin. Trop tard. Ils se sont noyés dans la foule, la foule qui a les oreilles bouchées par des écouteurs, les yeux baissés sur des portables, la bouche crispée, les membres raides et le coeur mort.
    La conscience...Vous l'avez foutue où, votre conscience ? Hein ? Pour devenir adulte, il faut la faire taire, sa conscience, parce que sinon on en crève ? Les sens coupés de la vie, assis dans vos métros qui vont à fond la caisse. Où ? On n'en sait rien. Vers le succès sans doute, la réussite, le travail, le fric. La mort, quoi.
    Une femme. Plus tard une femme qui demande à chacun "Bonjour madame, bonjour monsieur, une petite pièce ou un ticket restaurant s'il vous plait. Bonjour madame, bonjours monsieur, une petite pièce ou un ticket restaurant s'il vous plait. Bonjour madame...".
    Devant moi il y a un homme, grand, assez vieux, peau noire, costard cravate, valise. Il a un casque sur les oreilles, il dort. A côté de lui, sur le strapontin, il y a un jeune, gras, pompes de skate et parka. Il a un casque sur les oreilles, lui aussi. Il regarde devant lui, mais il ne voit rien. Elle répète son texte, deux fois, les yeux vides, ou même plus que vides ; les yeux du désespoir si profond qu'on n'en revient jamais. Le désespoir, parce qu'ils n'entendent même pas. Le gros skateur regarde devant lui, il n'entend pas, il ne voit rien. Elle n'existe pas. Elle se tourne. Elle n'écoute même plus ce que les gens répondent, puisqu'ils n'écoutent pas non plus. Elle répète son texte, quelle que soit la réaction. Les gens ont beau dire "Non, désolé" en secouant la tête d'un air faussement triste, ils n'échapperont pas cette fois à la répétition mécanique.
    "Bonjour madame, bonjour monsieur..."
    Une autre femme. Elle chante. Personne n'écoute.
    Je tourne. Je tourne et je ne fais plus de regard faussement triste de petit bourgeois compatissant. Non. Je tourne mentalement, car physiquement je reste assis. Impuissance.
    Je refuse. Non. Jamais plus je n'oublierais de donner ma pomme, mon sandwich ou mon bout de pain. Ce n'est pas une action de faire cette charité, c'est une non-action. Je déteste les gens qui s'y adonnent comme à un sport, une activité ou un passe-temps. Non. Moi, c'est simplement que si j'ai de la bouffe, je la donne quand je croise quelqu'un qui en a besoin. Un enfant au ventre creux dont les yeux brillent en voyant une plaquette de chocolat Max Haavelar. Un mot me vient : "Enculé". Non pas que je pense particulièrement que Haavelar est homosexuel, mais simplement parce qu'il est inutile...et dangereux.
    Je ne crois pas en la charité. L'enfant mangera le chocolat, et demain il aura faim.
    Oui. Sauf qu'il ne mangera pas ma pomme.
    Je refuse. J'ai mal à la tête parce que je le savais, putain, que les gens s'en foutaient, que le monde était laid, que Paris est laid dans ses sous-sols, dans ses rues, dans ses boulevards et même dans ses appartements de luxe. Il est laid parce qu'il est misérable, il est laid parce qu'il permet ce genre de choses. Mais tu le savais, putain. Pourquoi ça te touche à chaque fois comme le premier jour où tu as vu ça ?
    Parce que. Parce que mon coeur est encore là. Pour combien de temps encore, je ne sais pas. Aujourd'hui, j'ai la rage. Et demain ?


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