• Il est 16h. Je dois aller voir une dame à Paris pour savoir si je suis précoce de la tête ou non.
    Je n'ai pas envie d'y aller. Moi j'ai pas envie de savoir si je suis ça ou ça. Moi je suis Soja. Je ne sais pas très bien qui je suis, mais si je suis sûr d'une chose, c'est que ce n'est pas cette dame qui m'apprendra la moindre chose. Par contre, si je pars sur la route, ça pourra me servir.

    Soit. Je me prends au mot. En 30 minutes j'ai décidé de partir, je me suis préparé et je suis parti.
    Après quelques prises de bec au téléphone, je me calme, je vais dans une forêt et je souris : le soleil fait briller les herbes folles.

    "Tu fuis ! Tu ne veux même pas aller voir ! Des fois il va falloir que tu affrontes la réalité ! Tu n'as aucun courage !" Chut. Silence.

    Je me balade.Je dors derrière une résidence pavillonaire de Poissy. Je cherche le chemin qui me mènera à la forêt, que j'aperçois derrière les pavillons de crépis alignés. Je m'installe.J'appelle Anaryax parce que je ne me rappelle plus comment nouer les ficelles du hamac. Puis le silence de la nature me rappelle. Par moment, quand même, j'entends les cris des enfants qui dînent. Ces mêmes enfants dont j'ai croisé les cabanes, un peu partout dans la forêt. Malheureusement trop petites pour me servir d'abri.

    Le lendemain je traverse un champ de coquelicot en face d'un chantier naval, j'en prends des photos. Ensuite je m'arrête aux bords de Seine pour écrire un peu.
    Je trace.
    Puis à Conflans-Ste-Honorine je longe tout le quai pour voir les péniches. Je passe devant un gros bonhomme presque nu, affalé sur une vieille chaise en face de sa péniche et en caleçon bleu. Je le salue. Je m'arrêt devant une vieille péniche apparemment désaffectée et j'hésite à aller la visiter. J'y renonce finalement, par peur de déranger si elle était habitée et parce que la barrière qui en barre l'entrée est imposante.
    Je me dis qu'on devrait squatter une péniche, vu la taille et la possibilité de bouger.

    Au bout d'une matinée de route, je manque d'eau. Ca fait 5 minutes que je tente de trouver le Leclerc que j'avais vu signalé. Je le trouve - merde. C'est un Leclerc DRIVE.
    "Il doit bien y avoir un putain de supermarché, ici !"

    J'arrête pas de passer devant un énorme cinéma PATHE, complètement gris et incroyablement grand. Au bout de 20 minutes durant lesquelles j'ai parcouru touute la zone industrielle (et un peu commerciale) derrière,  je me décide à aller voir Robin Hood. Le caissier, un jeune, me fait payer un billet -16, "oh allez on va pas chipoter..."
    Puis il me regarde et demande : "Sauf si...C'est une casquette de l'OM que tu as ?"
    "Euh...Non."
    "Bon, alors ça va."
    Il faut dire que je porte une vieille casquette avec un sigle "NY" repeint et raturé.
    Dans le cinéma il y a des distributeurs à pop-corn, des néons partout et même une salle de jeux vidéos. Génial... Je me dépèche d'aller remplir mes bouteilles d'eau et je vais m'installer dans la salle.
    Le film me donne envie de gueuler. Ce qui me plaît, ce sont les enfants des bois. Mais bon, ça sert à rien, c'est juste des images en provenance d'Hollywood. J'ai mieux à faire. Je sors.

    Arrivé à Pontoise, je m'arrête pour acheter de quoi bouffer. J'en profite pour visiter le centre-ville, c'est plein de places vides et de petites rues presque moyen-âgeuses. Ca me donne envie de visiter plus loin, mais il faut que je trouve une forêt avant la nuit.

    Je sors de la ville en direction de la campagne, et je croise des fermes absurdes à quelques minutes de vélo du centre-ville urbanisé. Il y a même une Porsche arrêtée devant l'une d'elle. Je crache dessus. Ca défoule quand on est fatigué.

    Je trouve un champ en friche, j'y entre immédiatement. Je m'y allonge. Je suis entouré d'herbes hautes, loin de leurs merdes...Tiens, qu'est-ce qui passe là-haut ? Un avion. Une longue traînée de pétrole consumé déchire le ciel. Tout mon bonheur s'écroule. Qu'est-ce que je croyais ? Le truc c'est pas essayer d'échapper, c'est de lutter contre. Même ici, leur merde me rattrape.
    Je me relève. Un bruit d'herbes qu'on piétine furieusement derrière moi. Une biche jaillit des herbes hautes et s'enfuit par grands bonds dans le pré. Sa silhouette se découpe sur le ciel où le Soleil commence à se coucher. C'est beau. J'ai l'impression de vivre la scène dans le film "Into The Wild", quand Alex regarde des rennes avec des larmes aux yeux. Putain j'ai bien fait de faire ça.
    Je vis chaque moment.

    Je monte une colline entourée de champs à perte de vue. Au fur et à mesure que je pédale je vois se dévoiler une immonde tour HLM, du genre toute grise et très vieille, dressée au milieu de nulle part. Sans rien ni personne autour. Tellement grise que je crois un moment qu'elle est abandonnée.
    Là je croise un vieil homme qui promène son chien. Il me demande si je prends des photos, on parle un peu. Quand je prends mon vélo pour chercher le coin qui m'abritera, il me croise une seconde fois et découvre que je suis un "randonneur". "C'est toujours mieux que de faire des conneries, hein" me lance-t-il avec des yeux tristes.

     Je repars encore, je longe un espèce de camp militaire (ou une prison, je sais pas...de toute façon, ça revient au même) avec no man's land, caméras, barbelés et murs grillagé de 15 mètres. C'est terrifiant, y'a pas la moindre humanité, pas la plus petite silhouette humaine. J'accélère.

    En face de moi s'étale en lettres énormes "CENTRE COMMERCIAL E.LECLERC".
    J'y vais me ravitailler, c'est tellement grand que je devine à peine les gens de l'autre bout du rayon !

    Je préfère la forêt, je me dépèche de quitter ces enseignes clignotantes.

    Je trouve un petit bois en pente, j'accroche avec difficulté mon hamac sur les troncs trop lisses. Je fais un feu et j'y fais chauffer une conserve de raviolis. J'écoute des jeunes du coins passer en parlant de filles, les cris des enfants qui jouent dans les jardins familiaux pas loin, les bruits des mobs, les hululements, le silence enfin.

    Il ne manque qu'un présence avec qui le partager, ce bonheur qui m'envahit. Les potes, un amour, ou au moins quelqu'un.

    Je dors. Il fait chaud. Dans les arbres, un trou dans le feuillage a la forme d'un visage.

    Le lendemain, je me lève avec des boutons pleins le corps. J'aurais pas dû dormir en t-shirt.

    Quelques gouttes.
    J'entends un énorme craquement tout proche de moi ; c'est l'orage. Merde. Je me dépèche de ranger, et quand je sors du bois, je me prends une douche phénoménale. Waouh, ça refroidit sacrément l'enthousiasme, le bien-être, tout ça. Après avoir pataugé dans la boue du chemin forestier, je sors de la campagne, je rejoins Pontoise. Pontoise grise et vide sous la pluie battante. Je suis tellement mouillé que je ne sens plus le froid. Je pédale.

    Je croise une Merco dans une rue froide, je tente d'arracher son sigle, en vain. Je découvre que c'est flexible et que le support peut pivoter. Ca sera plus dur que je ne le pensais de m'en faire un pendentif.

    Je pédale une heure sur une départementale parcourue par des centaines de voitures. Il pleut, je galère, c'est dur. Je me perds souvent, je me rends compte à plusieurs reprises que j'ai fait demi-tour, plusieurs bagnoles me frôlent. Déjà qu'en voiture c'est laid, en vélo c'est vraiment ignoble, surtout quand la pluie se déchaîne.

    Je sens la crise de nerfs arriver. Je commence à chanter ce qui me passe par la tête. Le punk ou la oi!, c'est vraiment pas facile à chanter seul et sans musique. Tant pis, je vais chanter du Léo Ferré.

    Les "Putain ça fait CHIER" lancés aux conducteurs aveugles se transforment en "ILS SONT PAS UN SUR CENT, ET POURTANT..."
    Je n'arrête pas de voir des publicités pour restaurant, établissements de massages, parcs, zoos ou sex-shops.
    Jamais de panneaux de villes.
    "Mais qu'est-ce que j'en ai à foutre de la Cité de l'Auto, bordel ?!"
    Après avoir fait le tour d'une zone industrielle et croisé deux skins, je retrouve mon chemin. Ou plutôt ma route.

    Sur un marché j'achète deux pommes et j'en profite pour discuter avec la vendeuse. Elle a l'air déçue de savoir que je ne viens pas de très loin. Elle m'aide à ranger les pommes dans mes sacoches, puis encore un "au revoir, bonne journée", j'enfourche mon compagnon d'route et je repars.

    Je suis seul et de nouveau sur une nationale. Il bruine, et je suis crevé. L'énervement est parti, la mélancolie arrive. Je vais devoir rentrer, malgré la terrible envie de rester là, à pédaler, toujours le regard sur l'horizon d'en face, et d'écrire ça dans un quelconque cybercafé.

    Je croise un type trop grand pour son mini-vélo, qui roule à contresens sur une départementale bondée avec un sweat gris sur lequel il a graffé des mots en grandes lettres. Je déchiffre "BALANCE" et "ZA".
    Il débite en gueulant des textes de rap avec une grosse voix et me regarde derrière ses lunettes de soleil et son bob en cuir.
    Pendant un temps je l'observe s'éloigner et je passe en revue ce que j'ai bien pu manger ses derniers temps pour voir des choses pareilles. Mais non, il a l'air bien réel. Je continue.

    En longeant une forêt je vois beaucoup de sacs plastiques et mon regard s'assombrit, comme d'habitude. Je dépasse les premières voitures arrêtées sans vraiment les regarder, je m'enferme plus profondément dans mon armure et mon visage devient un masque de détermination triste. Les premières prostituées, presque toujours en mini-jupe et à la peau mate, me voient passer. J'ai le temps de deviner l'une d'entre elles en pleine action. J'ai la nausée.
    C'est fait sans aucune gène, les gens s'arrêtent et tirent leur coup. Je pourrais relever les numéros d'immatriculation des "clients". Peut-être un Ministre ou quelqu'un d'important, qui sait ? En R5, ça m'étonnerait, m'enfin tout est possible.

    Sous un pont il y a dix caravanes arrêtées. Des enfants et des adultes déambulent autour. Ils sont pratiquement en haillons.C'en est à se demander, sinon à quelle époque, du moins dans quel pays on est.
    Liberté, égalité, fraternité. Ils se foutront encore longtemps de notre gueule ?

    Toujours plus loin, je croise un poteau sur lequel sont accrochées plusieurs directions.
    Le panneau le plus en haut indique "<--- Mac Donald's"
    Le panneau d'en dessous indique : "Mac Donald's --->"
    Quelle merde...

    Ca y est, je me décide à rentrer. En attendant de ne plus avoir à le faire.

    "Bon, on a vu que tu avais du courage. Si, si, aller comme ça, seul, en forêt pendant 3 jours...On sait pas si on aurait osé, nous..."

    Oui. Ca vous fascine, ça. La liberté et l'absence de recherche de sécurité.


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  • "C'est normal ce que tu traverses, c'est à cause de la crise d'adolescence".
    "Tu peux pas encore comprendre, mais tu comprendras un jour".
    "Tu sais bien qu'on ne fait pas toujours ce qu'on veut dans la vie, alors autant que tu apprennes tout de suite. L'école est là pour là aussi, pour t'apprendre à faire des efforts, à travailler."


    "Aaaaaaaaaaaaaaaaaaah."

    Crevez, mouches à merdes. Je vous encule, et évidemment, enculer les mouches ne sert à rien. Je vais quand même vous conter l'histoire de notre Monde.

    ___________________________________________________         

           
          Il était une fois une gigantesque Usine, un bâtiment phénoménal où se trouvaient des milliers de tapis roulants. Cette Usine produisait des automates.
    Ils partaient d'endroits très variés de l'usine mais arrivaient tous dans la même Montagne.
    Cette Montagne, c'était une Montagne de détritus où chaque automate, transporté par le tapis, allait s'écraser.
     

     "NON ! NON ! NON ! PUTAIN, NON !"


    Un grand cri résonnait parfois dans l'immensité de l'Usine. Comme un automate qui pétait les plombs, d'un coup, sans prévenir. Qui levait les deux bras, les agitait dans tous les sens et hurlait :
    "Mais merde, vous voyez pas où nous emmènent ces tapis roulants ?"
    Ce genre de réactions devenait fréquent, dans l'Usine. Les autres automates le regardaient alors sans comprendre, avant de reporter leur attention sur la direction de leur tapis roulant...


    Cependant, certains prenaient un marteau, essayaient de frapper le tapis roulant, puis, voyant l'absence de résultat, décidaient d'en sauter. Dans le vide.
    Mais ce vide n'était pas si vide. C'était le sol de l'usine.
    Ensuite, ils se retrouvaient à errer dans l'usine en regardant tous les tapis roulants et les automates au-dessus.
    Ils en concluaient qu'il ne fallait jamais suivre le tapis, qui menait à la montagne ignoble. Une montagne toujours laide, que l'on arrive à s'écraser tout en haut ou tout en bas.
    Et finalement, ils finissaient par trouver la porte de sortie. La porte de l'Usine. Celle qui malgré les apparences, était ouverte, grande ouverte même. Devant cette porte il n'y avait d'autres vigiles que les mouches qui tournaient autour du cerveau des automates. Identiques à celles du début de ce récit. Ces mouches noires et poilues. Qui veillaient à les faire se détourner de la porte pour ne voir que l'autre direction, la montagne d'ordures. Qui veillaient à leur inculquer les principes de ceux qui avaient intérêt à ce que tous les automates suivent le tapis.
    Je veux parler de ceux qui avaient des armures pour ne pas s'éclater sur la Montagne. Ceux qui naissaient avec des casques et des jambières, des coudières et des air-bags, et surtout qui naissaient sans articulations. Ils ne pouvaient détourner la tête du haut de la Montagne.

     
    Sur le chemin tortueux mais morne que suivaient les tapis, il y avait beaucoup d'automates qui, après avoir sauté, finissaient par remonter.
    Parfois même celui qu'ils avaient quitté ou presque.
    Mais il y avait un petit nombre qui trouvaient la porte de l'Usine, lui disaient merde et la quittaient.
    Et parmi ceux-là encore, il y en avait qui finissaient par rentrer, n'arrivant pas à vivre dans la forêt dense qui l'entourait.


    Il ne restait plus que ceux qui vivaient à l'extérieur et qui pleuraient en pensant à tous ceux qui ne descendraient même pas du tapis. Qui toute leur vie avaient frappé sur les tapis, avaient gueulé en montrant la porte, avaient attaqué les murs de l'usine, de l'intérieur, puis de l'extérieur. Qui ne pouvaient pas être complètement libres tant que les automates continueraient à sortir des machines et à s'éclater sur la Montagne. Qui souhaitaient donc les libérer. Ils avaient compris que ce n'était pas en s'éclatant sur la Montagne qu'ils y arriveraient.

    Quelques vents qui parcouraient encore la Montagne, soufflaient à ceux de l'Extérieur qu'un jour pas si lointain, il n'y avait pas l'Usine. Ni pour les jeunes automates, ni pour les vieux. Et que s'ils arrivaient à brûler la Montagne composée des corps des automates-ouvriers, l'Usine s'écrouleraient d'elle-même. Certes, cela écraserait une bonne partie des automates encore vivants. Mais de toute façon, ils s'écraseraient tous, un jour où l'autre, sur la Montagne si cet état des choses continuait.

    Et il y avait de jeunes automates qu'on qualifiait alors de fous, qui rêvaient à des choses incensées et bannies de l'Usine. Des choses appelées "Justice" et "Liberté". Certains parlaient même d'une chose appelée "Révolte". 
    Ces automates avaient vite été rattrapés par les mouches à penser qui s'étaient empressées de remplacer ces mots par "Lois" et "Travail". Et le dernier mot par "Consomme".


    Un murmure, un imperceptible murmure tremblant, que même les vents n'osaient transporter, crachotait parfois un son étrange, qui suggèrait aux oreilles attentives de ceux qui dormaient dehors, un mot bien étrange. "Vérité". Mais on avait depuis longtemps oublié sa signification. Et puis, de toute façon, le fracas de l'Usine empêchait à quiconque de l'entendre.

                        _______________________________________________________________


    Je vous le demande vraiment, automates qui me lisez peut-être.
    Y'a-t-il une autre solution que de brûler la Montagne pour ne plus jamais la reconstruire ?
    Y'a-t-il une autre solution que de démanteler, de détruire, centimètre par centimètre de béton, l'Usine bâtie dans nos têtes ?
    Y'a-t-il une autre solution que de sauter du tapis ?
    Y'a-t-il autre chose à écouter que le murmure des vents que le fracas de l'Usine nous empêche de comprendre ?


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  • Freedom For KingKong - Marche ou rêve

    "Lève-toi et marche !"

    Il ne s'agit pas d'une injonction d'un jeune homme impuissant à son engin trop mou. Simplement l'ordre d'un jeune connard qui croyait en l'amour, la charité et la soumission à une autorité supérieure à l'Homme. Qui créa une chose qui donna naissance ensuite à l'Inquisition, aux Croisades et à d'autres choses tout aussi joyeuses.
    Marche. MARCHE BORDEL !
    Marche dans les manifestations mais ne soit pas violent.
    Marche dans la vie, fais carrière. Marche, marche, et ne t'arrête pas ! Le vieux monde est devant toi.
    Marche sur les autres pour parvenir à tes fins, de toute façon si ce n'est pas toi ce sera ton frère.
    Surtout ne marche pas sur les plates-bandes de l'Etat.
    Marche ou rêve. Crrr...  
    Rêve !
    Le sens c'est la couleur de nos rêves, le sens c'est notre révolte.
    Rêve et ne les suis pas. Rêve et ne marche pas sur leur pas.
    Crrr...Rêve et ne fais rien, rêve mais continue à marcher ou fais toi discret.
    Rêve mais ne raconte pas trop tes rêves, ça pourrait en conduire plus d'un à arrêter de marcher.
    Si tu ne marche pas, c'est l'arrêt de marcher. La chute du marché.
    Si vous ne travaillez pas, nous n'existerons pas !
    Si vous ne vous soumettez pas, nous n'existerons pas !
    Alors rêve si ça te plaît, mais marche. Ou crève.
    Quicquonque est paresseux est un fardeau pour la Sôciété. Ren-ta-bi-li-té !
    MARCHE. MARCHE. MARCHE.
    RÊVE, mais alors de bagnoles, de fric et de grandes baraques. RÊVE d'un mariage heureux avec une femme, deux enfants et un chien. RÊVE de villas en Floride ou de Los Angeles. RÊVE d'une belle Merco ou de splendides pin-up ! RÊVE de tâches ménagères et d'être propriétaire !
    RÊVE d'une vie meilleure qui n'arrivera qu'en se rapprochant le plus possible de la classe du dessus. RÊVE d'un monde impossible mais continue à faire marcher le nôtre. RÊVE de consommation, ou CRÈVE.
    CRÈVE. CRÈVE. CR...
    Je vois ces automates qui ne remettrons jamais en causes les bases du monde-un qui les a produit. Je vois ces humains-loques qui rampent dans ce Monde hideux. Je vois ceux qui prétendent être "chanceux". Je vois ceux qui se plaignent et espèrent la fin de la crise. Je vois tous ceux qui rampent pour leur salaire, qui jamais ne reconnaîtrons que l'ordre social est injuste à sa base. Je vois ceux pour qui le patronnat est devenu une norme, comme les supermarchés, les cités et les lampadaires. Je vois tous ceux qui cherchent à améliorer ce qu'ils voient donc comme une ébauche d'un monde parfait auquel il reste des défauts. Je vois les automates neufs et pas encore rouillés qui ne rêvent que de pétrole pour les alimenter et de métal pour s'en décorer. Je les vois espérer un paquet de métal sacré en admettant sans la moindre honte qu'ils se soumettrons toute leur vie comme ils le font toute la journée dans leur usine à adulte.
    Il suffit d'en être un peu sorti pour voir qu'à côté de Babylone, derrière l'usine à adulte, c'est la Vie. Derrière, il y a des plaines, plus très vertes, ça non, mais immenses et vides. Des forêts sombres dans lesquelles aucune tour ne pousse car aucun automate ne s'y aventure.
    Surtout pas ! Ce ne serait pas sécuritaire.
    Il vaut mieux continuer à marcher, et à rêver un peu histoire de colorier d'un rouge pâle la tôle grise qui te sers de coeur. De toute façon une fois qu'on a tué sa conscience, on peut colorier son coeur tant qu'on veut, il ne fait qu'envoyer du pétrole dans la machine. Alors marche, rêve et crève.
    "Vous avez cru jusqu'à ce jour qu'il y avait des tyrans ? Et bien, vous vous êtes trompés, il n'y a que des esclaves ! "
    Et les esclaves sont souvent leur propre tyran...

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  • La Défense. Ca brille tristement, c'est haut et c'est laid, surtout.
    Du gris et du vert. De l'acier et du verre. Triomphe du Progrès.
    Une zone industrielle.

    Des costards noir qui avancent. Remplis par des choses qu'on appelle encore "Humains". Tu parles. Ce qui reste d'humain là-dedans, c'est l'anus, la bite et les yeux. Ca continue à regarder, à bander et à chier, mais à part ça c'est mort. C'est la Mort. Ce sont tous des morts qui avancent encore, aussi laids que leurs vies, aussi vides que leurs portefeuilles sont pleins, aussi sombres que leurs cravates, aussi lisses que les tours où ils travaillent.

    Ils sont morts. Mêmes les plus beaux d'entre eux ont quelque chose de laid au coin de la bouche, en haut du front, à la limite des yeux. Ils avancent. Ils sont pressés. Ils lèchent le cul du supérieur parce qu'ils n'aspirent qu'à lui ressembler, à le remplacer. Compétition. Le mot sacré.

    Pas seulement. En réalité, ils n'existent pas. Ils n'existent que dans l'oppression qu'ils opèrent sur le "petit peuple". Le personnel. Ils n'existent que dans l'oppression tout court, en fait.
    Ils ont des femmes de ménage, voire des domestiques pour les mieux placés. Au bureau, mais aussi chez eux. Parfois, ils s'agit de leur femme. Ou de leur mari. Ou d'une personne inconnue qu'ils méprisent avec complaisance, qui est invisible humainement pour eux et qui n'en a rien à foutre de leur nettoyer leur maison, mais qui le fait pour les miettes qu'ils daigneront lui laisser. Pourtant, c'est elle qui les nettoie, les miettes.
    Ils ne nettoient pas leur bureau, ils ne font pas leur bouffe, ils ne fabriquent pas ce qu'ils vendent, ils ne produisent rien, tout ce qu'ils possèdent vient de la production de ceux qu'ils méprisent. Ils ne vivent que pour le fric. Et puis aussi un peu, pour en jouir. Pour leur petite femme et leurs potes, assistés eux aussi. Et après les libéraux de droite crachent sur "l'assistanat" !

    Je ne vous apprend rien.

    Ils sont déjà morts.
    Bronzés, temps grisonnantes, têtes de supermarché. Consomme.
    Ils ne voient pas le problème ! Après tout, ils ne sont pas rentier, "eux aussi" ils bossent.
    "Sans eux, les produits ne seraient pas vendus, donc bon, hein, tous ces ouvriers devraient leur être reconnaissants".
    Après tout, ils les laissent leur rénover leurs baraques, leurs construire des bagnoles et des piscines. Comme ils sont généreux.
    Sans eux, putain, qu'est-ce qu'ils feraient, tous ces sales prolos ?

    Et bien ils seraient libres.
    Libres comme des hommes et des femmes.


    Qu'on reprenne à César ce qui est à nous.


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  • Du verre. Du verre, du verre et encore du verre.

    Le Progrès défiant la Nature sauvage. Allégorie de la bite dressée ?
    L'intérêt de ces tours transparentes en apparence, mais abritant des choses bien moins transparente, est qu'au moins, c'est aussi moche qu'un HLM. Comme quoi.
    Ce paradis. Il n'existe pas. Il n'y a rien à voir du haut de leurs monuments à la gloire du Capital. Un monument au Mort, quoi.

    8:00. La masse noire arrive. Décervelé. Ca rentre, ça sort. Une grosse bite qui éjacule. Noir.
    Des costards, des costards. Des cravates. Un cimetière qui grouille.
    Sur la carte, ils indiquent que pas loin, il y a le cimetière de Neuilly. Mensonges. Le cimetière de la classe dirigeante, il n'est pas là, il est à la Défense. Les aristocrates pleins de cokes, ils sont peut-être enterrés à Neuilly, mais les réels enterrés vivants, ils sont à la Défense. Leurs valets travaillent pas loin, ça doit être rassurant pour les haut-bourgeois d'avoir une vue sur les tours où les costards s'échinent. Histoire de ne pas oublier le monde qu'ils ont créé. Tant de beauté dans ces tours et ces tunnels, ces parkings et ces bureaux. C'en est insoutenable.

    10:00. On voit des costards remplis de chair humaine.
    Il y a les costards des vigiles, les costards des valets qui jouent aux puissants, et les costards des dirigeants.
    La mort, elle est là. Je la sens.

    Argent virtuel, compétition, hiérarchie ma mie ! La Défense de quoi au juste ?
    La défense. Comme celle des éléphants que les ancètres des cadres coupaient en Afrique pour le métal sacré, et dont aujourd'hui, ils ont fait leurs tours d'ivoire.
    La défense. Défense de faire du bruit. Un cimetière d'acier, sans bruit. Silence on tue, silence on assassine. On charcute des loques déshumanisées et le responsable n'est pas là. Le responsable n'existe pas. Les costards se sont eux-mêmes coupé la tête. Des névrosés qui se frappent à longueur de journée, et qui aiment. Ils se flagellent, se coupent la gorge devant des écrans que leurs yeux fixent. L'élite de l'Humanité.

    Bronzés, tempes grissonantes ou coupe au carré avec permanente. Magasins pour commerciaux. Moquette et baies vitrées. Un monde à part.
    Un monde de loques. Déshumanisés aux commandes d'une société qui s'affaisse. Des assistés.
    Désaxés. Il y a du personnel à l'entrée, du personnel qui nettoie, du personnel qui fabrique ce qu'on vend ensuite. Du personnel vulgaire et méprisé. Du personnel. Des esclaves au services de valets.
    Où sont les maîtres ?
    Aujourd'hui, les maîtres se cachent derrière l'anonymat des multinationales. Le monde est leur parcours de golf.
    Où êtes-vous ? Où êtes vous, dirigeants d'une société pourrie ?

    Je n'en peux plus. Je ne les vois pas mais je trimerais toute ma vie pour eux. J'ai déjà vu la "maison" (le chateau) de l'un d'entre eux, on me l'a montré, on me l'a décrit avec jalousie, mais il n'existe pas. Il n'y avait personne dans le "jardin" (le parc), personne à l'entrée, personne dans la voiture. Il n'y a personne ! Une cage dorée mais l'oiseau y est mort, il ne reste que les plumes qui tombent en tournoyant, les pattes qui serrent toujours le magnifiques barreau, le bec qui mange les graines, mais jamais la conscience ne renaîtra !

    Amour ! Espoir s'il s'agissait de phoenix ! Je les imagine brûlant, mourant, renaissant de leurs cendres et détruisant leur cage, déployant leurs ailes atrophiées et lâchant enfin ceux qui avaient été assez stupides pour aller se nichez dans leurs pattes décharnées !

    Désespoir.

    Ce ne sont que des moineaux qui jouent à l'Aigle. Qui volent de tour en tour et de meurtre en meurtre. Ah, ce sont nos vies qu'ils volent.

    La Défense. La Défense des Privilèges.
    Un libéralisme incroyablement décomplexé mais qui se cache. Une classe dirigeante qui tue, mais qui répugne à regarder ses victimes.
    Autrefois l'usinier avait la décence de vivre au milieu de ceux qu'il opprimait.
    Aujourd'hui l'industriel travaille dans son immense bureau de la Défense, et ne passe dans ses usines que très rarement, et en évitant soigneusement les salariés. Toujours à râler, ceux-là. On les nourrit, on les loge, on les embauche, on leur refile des miettes, on bouffe sur leur dos et ça lutte contre nous.
     
    La Défense est un monde illusoire. Il n'existe pas. Ou plutôt, sans le "petit peuple" qui vit loin d'Elle, elle n'existe pas. Le Capital entier n'existe pas. Aucun cadre, aucun patron n'existe sans ses esclaves. Ni ses dividendes, ni ses stock-options, ni ses bénéfices, ni ses bureaux, ni ses produits, ni rien.
    Ce monde est un cimetière peuplé de créatures de tissus qui n'existent pas. Mais qui dirigent.

    Leurs privilèges ne leurs servent qu'à acheter des boîtes plus grandes, des boîtes qui roulent plus vite, des boîtes qui volent plus haut. Ils sont déjà morts.

    La Défense.
    La Défonce, oui.


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