• Lettre à Salomé. (fin du voyage)

    Je poste la fin de mon voyage, ou plutôt de ma lettre, en attendant de taper l'énorme début. Vous ne pourrez que vous demander comment nous en sommes arrivés là :)

     

    [...]



    ...Nous le quittons tôt le matin lorsqu'il part pêcher.

       Nous marchons dans Brest et nous mangeons dans une boulangerie. Nous allons sur le port. Il pleut. Nous visitions un atelier d'artistes dans un entrepôt en attendant que la pluie passe puis nous remontons vers le centre-ville. Là nous trouvons une entrée de parking souterrain comme abri. Nous y jouons de la flûte et de l'harmonica et nous y dévorons nos baguettes au camembert et au fromage fondu.
     
       Un clochard passe devant nous avant de faire demi-tour et de venir s'asseoir avec nous. Il dit s'appeler Dany. Il parle peu, a des bagues à chaque doigt et a l'air d'être bien saoul. Il fait de grands sourires lorsque Isma joue de la tin wisthle, et son visage de grand-père usé par le froid de la rue se plisse de centaines de traits. C'est presque un clochard-céleste, à la recherche de musique, la considérant comme "simplement du bruit" mais la trouvant belle, et prenant Brest comme un "abri". Il nous quitte après nous avoir offert une clope et une fin de sachet de tabac à rouler. Le parking souterrain ferme et nous partons.

       Nous dormons à la fac UBO de Brest, sur un tapis d'écorce juste en-dessous d'un toit en béton. Le lendemain nous tentons de faire sécher nos fringues au soleil. Nous essayons d'appeler Christian mais il ne réponds pas. A midi nous repartons pour le port.

       Là nous prenons la navette pour la presqu'île de Crozon, et nous arrivons à Camaret-sur-Mer. De là nous partons à pied vers le sud de la presqu'île et arrivons rapidement à la plage de Veryac'h. Nous y dormons à un mètre du bord de la falaise, dans un creux rempli d'herbes qui semble être fait pour nous accueillir. Le lendemain matin nous nous levons pour contempler les étendues de fleur violettes et jaunes qui recouvrent Crozon. Les falaises sont belles au lever du Soleil. Nous descendons sur une plage et nous restons longtemps, faisant des ricochets sur les vagues et grimpant sur les rochers. Ensuite nous escaladons la falaise pour rejoindre le sentier.

       Sur le chemin nous nous perdons, et Isma et moi avons une longue discussion très agitée sur la direction à prendre. Nous nous calmons autour d'un repas à Crozon, et comprenons notre qui-proquo et nos erreurs. Nous partons pour Morgat et nous y dormons sur la plage où de jeunes imbéciles nous reprochant notre soi-disante "illégalité" sautent sur notre tente pendant la nuit. Le lendemain nous mangeons quelques restes et décidons de louer des kayaks. Il nous reste tout juste de quoi payer. Nous partons toute la journée à pagayer sur la mer autour des falaises de Crozon, en rentrant dans chaque grotte que nous croisons. Nous nous arrêtons sur une plage car nous avions cru apercevoir une planche de surf qui n'était en fait qu'un morceau de coque de bateau. Le retour vers Morgat devient difficile. Nous avons le ventre vide et aucune provision. Nos bras nous font mal et le courant, contre nous, nous immobilise dès que nous arrêtons de pagayer. En arrivant au port, exténués et affamés, à 20h, Isma sors des tickets restaurants qu'il avait volés à son travail chez Carglass (centre d'appel). Nous achetons 8 euros de sandwichs et beignets chacun, sauf Martin qui ne prend, dans un mauvais calcul, qu'un cheeseburger ridicule et quelques churros. Nous dévorons toutefois l'un des meilleurs repas de notre vie.Nous dormons sur un carré d'herbe entouré de maisons.

       Au matin nous marchons vers le Fret en repassant à Crozon, en enlevant parfois nos chaussures. Le soir nous arrivons dans une forêt de pins accueillante où nous trouvons un trou d'obus. Ismaël y installe un feu et nos affaires pendant que je fabrique un matelas d'herbe et installe les hamacs. Martin va repérer la ville du Fret. Ne la trouvant pas, il revient au camp, mais décide de repartir la chercher par un autre chemin. Il reviendra en stop. Nous faisons cuire des lentilles accompagnées d'oignons frits. Au matin, nous arrivons dans la ville où se déroule une grande brocante. J'y achète une pipe et nous attrapons la navette qui nous ramène à Brest. Nous allons à la gare.

       Martin et moi allons demander les invendus au marché et revenons avec un cageot rempli de melons, pêches, abricots et tomates. Isma va acheter les billets de train. Nous allons récupérer nos vélos mais nous avons perdu les clefs des antivols et devons les couper avec des pinces prêtées par la SNCF. Nous fabriquons un jeu d'échecs avec ce que nous trouvons et, à 18h, nous embarquons pour Paris. Nous avons le compartiment pour nous seuls et le camembert de nos sacs empeste dans cet espace trop confiné. Nous jouons aux échecs, écrivons, dessinons, parlons. Nous voyons toutes les villes traversées à vélo défiler trop vite. Le soir nous observons le plus beau coucher de Soleil que nous ayions vu de notre vie ; les nuages orangés et à l'allure chaotique entourent un rond de ciel bleu clair strillé de jaune.

       Nous arrivons le soir à la gare St-Lazare, avec la tristesse et la grisaille parisiennes que nous retrouvons sans enthousiasme. Aucun de nous trois n'arrive à parler. Dans le RER qui nous amène en Seine-et-Marne nous sommes toujours silencieux et mélancoliques. Faire à vélo les routes qui nous amènent de la gare jusque chez Martin nous achève.

       Ça y est, le béton remplace le ciel et le parquet le tapis d'herbes fraîches.
    Notre tentative inconsciente d'oublier cette tristesse dans les films et le virtuel traduit notre envie de nous libérer encore.

    La route et la forêt m'appellent...


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