"C'est normal ce que tu traverses, c'est à cause de la crise d'adolescence".
"Tu peux pas encore comprendre, mais tu comprendras un jour".
"Tu sais bien qu'on ne fait pas toujours ce qu'on veut dans la vie, alors autant que tu apprennes tout de suite. L'école est là pour là aussi, pour t'apprendre à faire des efforts, à travailler."
"Aaaaaaaaaaaaaaaaaaah."
Crevez, mouches à merdes. Je vous encule, et évidemment, enculer les mouches ne sert à rien. Je vais quand même vous conter l'histoire de notre Monde.
___________________________________________________
Il était une fois une gigantesque Usine, un bâtiment phénoménal où se trouvaient des milliers de tapis roulants. Cette Usine produisait des automates.
Ils partaient d'endroits très variés de l'usine mais arrivaient tous dans la même Montagne.
Cette Montagne, c'était une Montagne de détritus où chaque automate, transporté par le tapis, allait s'écraser.
"NON ! NON ! NON ! PUTAIN, NON !"
Un grand cri résonnait parfois dans l'immensité de l'Usine. Comme un automate qui pétait les plombs, d'un coup, sans prévenir. Qui levait les deux bras, les agitait dans tous les sens et hurlait :
"Mais merde, vous voyez pas où nous emmènent ces tapis roulants ?"
Ce genre de réactions devenait fréquent, dans l'Usine. Les autres automates le regardaient alors sans comprendre, avant de reporter leur attention sur la direction de leur tapis roulant...
Cependant, certains prenaient un marteau, essayaient de frapper le tapis roulant, puis, voyant l'absence de résultat, décidaient d'en sauter. Dans le vide.
Mais ce vide n'était pas si vide. C'était le sol de l'usine.
Ensuite, ils se retrouvaient à errer dans l'usine en regardant tous les tapis roulants et les automates au-dessus.
Ils en concluaient qu'il ne fallait jamais suivre le tapis, qui menait à la montagne ignoble. Une montagne toujours laide, que l'on arrive à s'écraser tout en haut ou tout en bas.
Et finalement, ils finissaient par trouver la porte de sortie. La porte de l'Usine. Celle qui malgré les apparences, était ouverte, grande ouverte même. Devant cette porte il n'y avait d'autres vigiles que les mouches qui tournaient autour du cerveau des automates. Identiques à celles du début de ce récit. Ces mouches noires et poilues. Qui veillaient à les faire se détourner de la porte pour ne voir que l'autre direction, la montagne d'ordures. Qui veillaient à leur inculquer les principes de ceux qui avaient intérêt à ce que tous les automates suivent le tapis.
Je veux parler de ceux qui avaient des armures pour ne pas s'éclater sur la Montagne. Ceux qui naissaient avec des casques et des jambières, des coudières et des air-bags, et surtout qui naissaient sans articulations. Ils ne pouvaient détourner la tête du haut de la Montagne.
Sur le chemin tortueux mais morne que suivaient les tapis, il y avait beaucoup d'automates qui, après avoir sauté, finissaient par remonter.
Parfois même celui qu'ils avaient quitté ou presque.
Mais il y avait un petit nombre qui trouvaient la porte de l'Usine, lui disaient merde et la quittaient.
Et parmi ceux-là encore, il y en avait qui finissaient par rentrer, n'arrivant pas à vivre dans la forêt dense qui l'entourait.
Il ne restait plus que ceux qui vivaient à l'extérieur et qui pleuraient en pensant à tous ceux qui ne descendraient même pas du tapis. Qui toute leur vie avaient frappé sur les tapis, avaient gueulé en montrant la porte, avaient attaqué les murs de l'usine, de l'intérieur, puis de l'extérieur. Qui ne pouvaient pas être complètement libres tant que les automates continueraient à sortir des machines et à s'éclater sur la Montagne. Qui souhaitaient donc les libérer. Ils avaient compris que ce n'était pas en s'éclatant sur la Montagne qu'ils y arriveraient.
Quelques vents qui parcouraient encore la Montagne, soufflaient à ceux de l'Extérieur qu'un jour pas si lointain, il n'y avait pas l'Usine. Ni pour les jeunes automates, ni pour les vieux. Et que s'ils arrivaient à brûler la Montagne composée des corps des automates-ouvriers, l'Usine s'écrouleraient d'elle-même. Certes, cela écraserait une bonne partie des automates encore vivants. Mais de toute façon, ils s'écraseraient tous, un jour où l'autre, sur la Montagne si cet état des choses continuait.
Et il y avait de jeunes automates qu'on qualifiait alors de fous, qui rêvaient à des choses incensées et bannies de l'Usine. Des choses appelées "Justice" et "Liberté". Certains parlaient même d'une chose appelée "Révolte".
Ces automates avaient vite été rattrapés par les mouches à penser qui s'étaient empressées de remplacer ces mots par "Lois" et "Travail". Et le dernier mot par "Consomme".
Un murmure, un imperceptible murmure tremblant, que même les vents n'osaient transporter, crachotait parfois un son étrange, qui suggèrait aux oreilles attentives de ceux qui dormaient dehors, un mot bien étrange. "Vérité". Mais on avait depuis longtemps oublié sa signification. Et puis, de toute façon, le fracas de l'Usine empêchait à quiconque de l'entendre.
_______________________________________________________________
Je vous le demande vraiment, automates qui me lisez peut-être.
Y'a-t-il une autre solution que de brûler la Montagne pour ne plus jamais la reconstruire ?
Y'a-t-il une autre solution que de démanteler, de détruire, centimètre par centimètre de béton, l'Usine bâtie dans nos têtes ?
Y'a-t-il une autre solution que de sauter du tapis ?
Y'a-t-il autre chose à écouter que le murmure des vents que le fracas de l'Usine nous empêche de comprendre ?
Si tu veux une critique froidement littéraire je peux te dire que ton style est parfois pas assez fluide. Mais de ça on s'en fout, parce que finalement ton texte m'a ému. Partons de l'usine, et guettons l'embrasure.
Et volons le peu qu'ils nous donnent, le peu qu'il nous reste.